Open Rome - Organize and Promote Epidemiological Network - Réseau d'Observation des Maladies et des Epidémies

Covid, grippe, VRS, même combat ?
Quelles leçons tirer de la pandémie de Covid19 ?

Le coronavirus responsable de la Covid19 circule dans le monde depuis 2 ans. Cette pandémie a bouleversé la vie de la planète. Où en sommes-nous ? Quelles réponses apporter aux questions que beaucoup se posent :

  1. Quelles leçons tirer de la pandémie de Covid19 ?
  2. Quelle est l’efficacité des moyens de lutte à notre disposition ?
  3. Quelle stratégie choisir pour protéger les personnes fragiles ?
  4. Cette protection et ces stratégies justifient-elles leurs conséquences économiques et sociales ?
  5. Comment va évoluer la circulation du virus responsable de la pandémie de Covid19 ?
  6. Quel type d’objectif semble le plus pertinent pour notre pays ?
  7. Quelles actions recommander pour demain ?

Open Rome, un bureau d’études et d’intervention dans le domaine de la santé et de l’environnement, est très actif dans l’organisation de réseaux de professionnels de santé et de chercheurs sur des objectifs de santé publique : le réseau national des Groupes Régionaux d’Observation de la Grippe (GROG) et, plus récemment le platforme COVIGIE en partenariat avec la Société Française de Médecine Générale (SFMG), la Société Francophone de Science Pharmaceutique Officinales (SFSPO) et la Fédération des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (FCPTS), et le think tank Vaccination et Lien Social, en partenariat avec NILE Consulting. Open Rome a questionné 11 experts qui ont toute sa confiance.

Dites-nous si vous êtes d’accord ou non avec les réponses de ces experts et complétez votre appréciation en exposant vos idées sur la question.

Cette pandémie est un révélateur des dysfonctionnements de notre système dans son ensemble.

Comme toutes les situations vécues dans une ambiance de catastrophe, elle montre notre fragilité, en particulier celle de nos liens sociaux. Elle a démontré également les limites actuelles de la « démocratie sanitaire » dans notre pays : multiplicité d’experts approximatifs et de pseudo-experts, fake-news, messages brouillés par des discours contradictoires, non prise en compte des réalités sur « le terrain », etc.

Critiquer est facile alors que, sans aucun doute, il est très difficile de faire les meilleurs choix au meilleur moment, de trouver le bon dosage entre une protection efficace des personnes les plus fragiles et la prévention des dégâts humains, médicaux, sociaux et financiers provoqués par cette protection, surtout dans la phase initiale de la pandémie, quand on ne dispose pas encore de vaccins et quand les stocks de masque sont insuffisants. Cependant, même si les coronavirus présentent des différences avec les virus de la grippe, il est dommage que le plan de lutte contre les pandémies, mis en œuvre avec succès en 2009 lors de la pandémie de grippe A(H1N1), n’ait pas été mieux utilisé.

Deux erreurs majeures ont été commises par les Autorités de santé :

  • Discours contradictoires sur les masques au début de la pandémie
  • Fermeture des EHPAD : interdire les visites aux personnes résidant en EHPAD a limité la propagation virale à l’intérieur des établissements mais, en supprimant les possibilités de relations sociales, cette mesure a nui considérablement à la santé des résidents.

La crise pandémique a mis en lumière les mauvaises interconnexions entre :

  • les différentes spécialités médicales,
  • les hôpitaux et le secteur ambulatoire,
  • le secteur public et le secteur privé,
  • les autorités et le terrain.

Cette crise a confirmé également que le système hospitalier français n’est pas organisé correctement pour faire face à un brutal afflux de malades. Ses méthodes de gestion humaine, son articulation public/privé et ses relations avec le secteur ambulatoire peuvent être améliorées.

D’une façon plus générale, les crises sanitaires modifient en profondeur les comportements humains et l’organisation des sociétés humaines.

Enfin, au moment de prendre les décisions, on se trompe sur ce que les gens sont capables de faire. Il était annoncé que les Français refuseraient de porter des masques et qu’ils seraient réticents vis à vis de la vaccination. La suite a montré que, bien au contraire, beaucoup ont utilisé et utilisent encore ses masques et que la couverture vaccinale a été excellente.

Tous les experts interrogés considèrent que le port du masque, l’hygiène des mains et la vaccination anti-Covid sont très utiles et qu’ils ont permis de limiter le nombre des décès. Dès que les vaccins ont été disponibles, la situation s’est énormément améliorée.

La distanciation sociale est plus contestée, même si elle est globalement jugée comme nécessaire en début de pandémie. Le confinement à domicile a permis de ralentir la propagation des virus respiratoires, ce qui a donné un répit aux services hospitaliers, mais il a été particulièrement nuisible à tous ceux qui ont un besoin vital de relations sociales, notamment les personnes âgées dépendantes et les personnes les plus défavorisées (précaires, handicapés mentaux…). D’une façon générale, la notion de « phase pandémique » a été mal expliquée, mal comprise et appliquée de façon trop approximative. La fermeture des EHPAD était excessive et illogique.

La fermeture des frontières et l’interdiction des déplacements ne sont considérées comme utiles au tout début de la pandémie que par une partie des experts interrogés.

La pandémie a confirmé ce que nous savons depuis longtemps : dans toutes les catastrophes, ce sont les plus fragiles qui meurent. Si on ne les protège pas, ils meurent des effets de la catastrophe. Si on les protège, ils meurent des effets des mesures de protection.

Les experts interrogés proposent la stratégie suivante, valable pour tous les virus respiratoires :

Personnes âgées (surtout celles vivant en collectivité)

D’une façon générale :

  • Poly-vaccination des résidents et du personnel : Covid + grippe + pneumocoque
  • Peser la balance bénéfice-risque dans la discussion des objectifs de soins
  • Donner aux résidents des EHPAD un rôle le plus actif possible dans la conception et la mise en œuvre des mesures de protection.
  • Demander aux proches de s’abstenir de visites s’ils présentent des symptômes d’infection.
  • En période épidémique, maintenir le port du masque pour les visiteurs et le personnel.

Suivre quotidiennement l’apparition de nouveaux cas et mettre en place des mesures graduées :

  • Isoler la personne aux premiers symptômes évocateurs
  • Mettre en place le renforcement des mesures barrières
  • Tester individuellement
  • Appliquer les directives officielles et déclencher un dépistage massif si plus de 3 cas positifs.

Et, par ailleurs,

  • Supprimer les obligations bureaucratiques en complète négation des démarches éthiques
  • Donner une liberté et une responsabilité aux décideurs locaux pour la sécurité des résidents.

Femmes enceintes

  • Vaccination grippe et Covid
  • Eviter le confinement
  • Gestes barrières.
  • Obèses et malades chroniques
  • Vaccination grippe et Covid
  • Dépistage des co-morbidités

Nourrissons

  • Réapprendre aux jeunes parents que la « socialisation » trop précoce (bars, restos…) n’est pas forcément bonne pour les nourrissons.
  • Protection par la vaccination de l’entourage.

Sans aucun doute, la santé doit être une priorité de notre pays. Du point de vue économique, c’est évident que les différentes mesures, les confinements et les restrictions ont un prix. En France, ces conséquences économiques auraient pu être réduites par un assouplissement plus précoce de certaines mesures.

  • Il faut rester prudent sur les prédictions.
  • Les experts consultés proposent de faire les hypothèses suivantes :
  • Le pourcentage des vaccinés crée une sorte d’immunité collective.
  • A terme, le Covid19 va se comporter comme tous les autres coronavirus humains.
  • Il sera relativement stable avec des petites modifications espacées de plusieurs années.
  • (actuellement, les modifications surviennent environ tous les 4 mois).
  • Les vagues épidémiques vont être de plus en plus espacées, pour atteindre finalement le rythme d’une vague par an (actuellement, une vague tous les 4 mois, soit 3 vagues par an).

Pour le moment, les observations confirment ces hypothèses :

  • Les variants nouveaux descendent tous du variant omicron
  • Les modifications deviennent de moins en moins importantes
  • Le délai entre 2 vagues commence à s’allonger
  • Le virus est en train de devenir saisonnier même si le rythme des vagues n’est pas encore stable.

Cette évolution est observée partout dans le monde. Dans des pays comme la Chine, l’évolution sera la même que partout dans le monde car les virus ignorent les frontières.

Pour confirmer ces hypothèses, surveiller

  • l’ampleur des modifications virologiques,
  • les délais entre 2 vagues.

Comme pour la grippe et le Virus Respiratoire Syncytial (VRS), il n’est pas possible de ne rien faire pour limiter l’impact de la Covid19 sur les personnes fragiles.

Eradiquer la Covid19 : on aimerait mais nous ne pouvons pas.

L’objectif le plus pertinent pour notre pays tient dans une formule : « Coronavirus, grippe, VRS, même combat ! ». La prévention des complications de l’infection, la protection des personnes les plus fragiles (personnes âgées, femmes enceintes, obèses, malades chroniques) et la prévention de la diffusion rapide du virus sont les piliers fondamentaux de la lutte contre les coronavirus, la grippe, le VRS et les autres infections respiratoires.

Il faut privilégier la protection des personnes fragiles et continuer à mener une politique de prévention active.

Il y aura d’autres pandémies provoquées par d’autres virus animaux se diffusant par étape aux humains. Il est indispensable de mettre en œuvre un grand programme d’éducation pour la santé (« littératie ») permettant à la population, notamment celles et ceux qui sont les moins favorisés, de mieux comprendre la façon dont une pandémie évolue (notion de « phase pandémique »), les raisons d’utiliser en routine les mesures barrières et de se faire re-vacciner, l’intérêt de la vaccination des soignants et de la vaccination « cocoon » autour des personnes fragiles et, d’une façon plus générale, d’acquérir dès l’âge scolaire la « culture de base » permettant de mieux gérer sa santé :

  • On se vaccine, notamment pour éviter les complications et, ainsi, protéger les personnes fragiles (et les hôpitaux qui les accueillent en cas de formes sévères).
  • On a un réflexe : quand on est malade, dès l’apparition des symptômes et pendant 5 jours, on évite de transmettre ses virus aux autres en s’isolant si on le peut, ou en portant un masque chaque fois qu’on est en contact avec d’autres, surtout dans les espaces clos ou mal aérés.

Cet apprentissage de longue durée commence à l’école primaire (comme pout le lavage des dents) et est ensuite renforcé par les professionnels de santé et les associations de patients. Il doit aider à

  • chercher des informations validées,
  • lire les documents avec un esprit critique,
  • identifier les infox.

Le système hospitalier français n’est pas organisé correctement pour faire face à un brutal afflux de malades. Ses méthodes de gestion humaine, son articulation public/privé et ses relations avec le secteur ambulatoire peuvent être améliorées.

La télémédecine est utile mais

  • elle ne résout qu’une partie des problèmes rencontrés,
  • son format est mal adapté à la consultation pour une infection respiratoire aiguë,
  • elle peut aussi devenir une source d’abus incontrôlables.

Nous assistons au début d’une révolution biologique avec l’essor des tests sur les lieux de soins et des autotests. En France, le nombre des tests Covid19 a été largement excessif mais il a démontré que cette nouvelle forme d’analyse biologique est très bien acceptée et qu’elle va bouleverser la façon d’organiser et d‘évaluer les campagnes de prévention et de contrôle des maladies épidémiques.

Les virus respiratoires ignorent les frontières, même quand on tente de les fermer. Il est nécessaire de définir au niveau européen la politique de santé. En revanche, les modalités pratiques de cette politique dépendent beaucoup des particularités locales. Les élus européens et les gouvernements nationaux doivent accepter de laisser la population et ceux qui la soignent agir localement à partir d’une pensée européenne globale.